Un petit plaisir : une chronique tirée du livre "Portraits acides et autres pensées édifiantes" de Philippe Meyer animateur radio et ex-chroniquer matutinal de France-Inter
Des parents d'élèves de Jacksonville ont obtenu que soient retirés des rayons de la bibliothèque de l'école publique un certain nombre d'ouvrages caractèristiques pour leur violence et leur vulgarité, dont Blanche-Neige. Malheureusement, un livre a échappé inexpliquablement à cette censure. On peut pourtant y trouver des personnages aussi peu éducatifs qu'un vieil ivrogne qui danse tout nu, un roi qui se livre à des bassesses pour forniquer avec sa belle-soeur, des hommes qui s'accouplent entre eux, un jaloux qui tue son père, un père qui accepte de planter un couteau dans le ventre de son fils, sans compter des scènes aussi pénibles à supporter que celle où un poisson, ou un monstre marin, ou une baleine avale un homme tout vif, des agneaux sacrifiés vivants, des hommes vendus à d'autres hommes pour leur servir d'esclaves, et je passe sous silence les récits détaillés de maints supplices et de persécutions diverses et peu ragoûtantes et, pour courroner le tout, la narration péniblement précise de l'humiliation physique et morale d'un homme de 33 ans et du fatal supplice auquel il est voué et qui consiste en rien moins que de le monter sur une croix, lui enfoncer des clous dans les poignets et les chevilles et attendre qu'il en meure. Je ne voudrais dénoncer personne, mais dans la catégorie ouvrage traumatisant, la Bible, c'est quand même autre chose que Blanche-Neige.